Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/118

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semblable dans la force inconnue qui m’arrête tout à coup sur le versant méridional des Alpes, au moment où mon regard plongeait déjà sur les plaines de la Lombardie, et où j’aspirais avec ivresse les brises embaumées que cette terre chérie du ciel lui envoie comme un soupir d’amour, comme une confiante et sereine prière. Italie ! Italie ! le fer de l’étranger a dispersé au loin tes plus nobles enfants. Ils errent parmi les nations, marqués au front d’un saint anathème ; mais quelque implacables que soient tes oppresseurs, tu ne seras pourtant point délaissée, car tu fus et tu seras toujours l’élective patrie de ces hommes qui n’ont point de frères parmi les hommes, de ces enfants de Dieu, de ces exilés du ciel qui souffrent et qui chantent, et que le monde appelle poètes.

Oui, toujours l’homme inspiré, philosophe, artiste ou poète, se sentira tourmenté d’un mal secret, d’une brûlante aspiration vers toi. Toujours le mal de l’Italie sera le mal des belles âmes ; toutes rediront avec le mystérieux enfant de Goethe : Dahin ! Dahin !

Au lieu des Alpes, c’est le sombre Jura que je traverse. Trois jours d’une route monotone me ramènent à Paris, dont l’atmosphère brumeuse s’étend de nouveau sur ma tête. Combien ces nuages bas et épais se confondant avec un brouillard fétide, contrastent avec le beau ciel étoilé qui se reflète si pur dans les eaux du Léman ! Ce ciel d’un bleu transparent appelle le regard de l’homme,