Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/124

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qui s’inspire de la nature, mais sans la copier, exhale en sons les plus intimes mystères de sa destinée. Il pense, il sent, il parle en musique ; mais comme sa langue, plus arbitraire et moins définie que toutes les autres, se plie à une multitude d’interprétations diverses, à peu près comme ces beaux nuages dorés par le soleil couchant qui revêtent complaisamment toutes les formes que leur assigne l’imagination du promeneur solitaire, il n’est pas inutile, il n’est surtout pas ridicule, comme on se plaît à le répéter, que le compositeur donne en quelques lignes l’esquisse psychique de son œuvre, qu’il dise ce qu’il a voulu faire, et que, sans entrer dans des explications puériles, dans de minutieux détails, il exprime l’idée fondamentale de sa composition. Libre alors à la critique d’intervenir pour blâmer ou louer la manifestation plus ou moins belle et heureuse de la pensée ; mais de cette façon elle éviterait une foule de traductions erronées, de conjectures hasardées, d’oiseuses paraphrases d’une intention que le musicien n’a jamais eue, et de commentaires interminables reposant sur le vide. — Il paraît peu de livres aujourd’hui qu’on ne fasse précéder d’une longue préface, qui est, en quelque sorte, un second livre sur le livre. Cette précaution, superflue à beaucoup d’égards, lorsqu’il s’agit d’un livre écrit en langue vulgaire, n’est-elle pas d’absolue nécessité, non pas à la vérité pour la musique instrumentale, telle qu’on la concevait jusqu’ici (Beethoven et Weber exceptés),