Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/144

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Vous comprendrez combien ces perpétuelles interprétations de mes paroles et de mes actes en cette occasion m’ont été pénibles.

En écrivant ces quelques lignes sur les compositions de M. Thalberg, je prévoyais bien une partie des indignations que j’allais soulever, des orages qui s’amasseraient sur ma tête ; pourtant, je le confesse, je croyais que mille antécédents me mettraient complètement à l’abri de l’odieux soupçon d’envie ; je croyais, ô sainte simplicité ! me direz-vous, que la vérité devait et pouvait toujours se dire, et qu’en toute circonstance, même dans la circonstance en apparence la plus insignifiante, un artiste ne devait point trahir sa pensée par un prudent calcul d’intérêt personnel. L’expérience m’a éclairé mais elle ne me profitera pas. Je ne suis malheureusement pas de ces natures émollientes dont parle le marquis de Mirabeau, et j’aime la vérité beaucoup plus que je ne m’aime moi-même. D’ailleurs, parmi les raboteuses leçons qu’on ne m’a pas épargnées, j’ai reçu de petits soufflets si gracieux, si adorables, que je serais bien tenté d’encourir de nouveau semblable punition. Des soufflets de femme ! que dis-je ? Des soufflets de muse, cela fait si peu de mal, cela est si doux à recevoir, que l’on se met à genoux, et que l’on dit : Encore ! Des leçons de convenances et de modestie données par l’ex-muse de la patrie, cela n’a pas de prix, et au fond, j’en suis bien sûr, il n’est personne qui ne m’envie.

Mais en vérité je suis honteux de vous parler si