lointain de l’Indre arrivait jusqu’à nous ; le rossignol chantait son splendide chant d’amour : et l’animal le plus abject de nos campagnes, trouvait, lui aussi, une note claire, sonore, pour célébrer sa part de l’Être universel. Une brise, à peine sentie, nous apportait tour à tour les suaves parfums du tilleul, ou la senteur sauvage du mélèze ; la lueur de nos lampes jetait aux arbres des teintes fantastiques ; alors, cette femme que je ne nommerai pas, car elle vaut bien, comme dit Obermann de n’être pas nommée, venait à nous sous son long voile blanc, sans paraître toucher la terre, et nous disait avec son doux accent grondeur : « Vous voilà encore rêvant, artistes incorrigibles ; ne savez-vous donc pas que l’heure du travail est venue. » Nous obéissions à sa parole, comme à celle d’un ange de paix et de lumière. Sans y songer, George écrivait un beau livre, et moi j’allais, pour la cinquième fois, rouvrir mes vieilles partitions, et chercher, sur la trace de nos maîtres, quelques-uns de leurs divers secrets[1].
Cependant comme il n’est plus de retraite assurée pour quiconque, peu ou prou, est devenu célèbre ; comme, à défaut de valeur personnelle, chacun cherche aujourd’hui à se frotter au mérite et surtout à la gloire d’autrui, imaginant en emporter quelque reflet, le château de Nohant était devenu le point de mire de ces gens qui ont le malheur d’être dévorés
- ↑ C’est durant ce séjour à Nohant que Liszt acheva de réduire en « partitions de piano » les symphonies de Beethoven.