Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La voix reprend plus douce, plus caressante, plus séductrice. Elle promet à l’enfant des fleurs embaumées, des jeux au bord des eaux, des danses au son de joyeux instruments…

« Ô mon père, mon père ! ne vois-tu pas là-bas les filles du roi des Gnômes qui dansent des danses étranges ? »

« Enfant, je les vois maintenant, ce sont ces vieux troncs de saule qui semblent au loin des spectres gris. »

La voix reprend douce et suave encore ; puis soudain elle menace. L’enfant pousse un cri déchirant…

« Mon père, mon père, le roi des Gnômes me saisit. »

Le père sent une sueur froide inonder son visage ; il presse les flancs de son cheval, et serre contre sa poitrine son fils gémissant. Il arrive enfin ; il respire. Ses angoisses sont terminées. Dans ses bras il tient son enfant… mort.

Voyez-vous passer devant vous les rêves de votre jeunesse ? Entendez-vous la voix de l’expérience ? Assistez-vous à la lutte de l’idéal et du réel ? poètes, poètes ! et vous femmes qui êtes toutes poètes par le cœur, écoutez les accents sombres et désespérés du génie ; gardez-vous du roi des Gnômes, qui cherche sans cesse de nouvelles victimes.