Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/169

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de saisir le point juste de l’innovation permise. Son Elvire charma sans surprendre, car il n’est guère d’homme qui en un jour de jeunesse n’ait cru rencontrer une Elvire. Il n’en est guère non plus qui ne se soit parfois senti rêveur à l’ombre d’un vieux chêne ou sous les voûtes d’une église gothique. En ne dramatisant pas ses sentiments, en restant dans un lyrisme méditatif, Lamartine avait encore l’avantage que ces lecteurs essentiellement subjectifs qui aiment à se retrouver partout, pouvaient aisément faire entrer leur propre histoire dans le cadre harmonieux de sa divine poésie. Plus tard, le peuple des imitateurs vulgarisa à tel point la rêverie en plein air et les vaporeuses amours que Lamartine lui-même, venu dix ans après, eût eu peine à se faire jour à travers la foule des amants d’Elvire, la forêt des vieux chênes et le débordement des lacs d’azur. Mais l’heure de l’examen et de la critique arrivée, son nom était consacré, sa gloire était hors de cause ; aussi, l’examen fut-il respectueux, la critique pleine de déférence ; et quand des œuvres plus tardives reçurent ses atteintes, le laurier du poète était si riche de feuillage et de fleurs qu’il pût, sans trop de soucis, lui laisser émonder quelques-uns de ses rameaux les plus près de terre.

Saint-Point est une demeure charmante où Lamartine se voue avec activité à l’accomplissement des devoirs de la vie départementale, telle que nos mœurs parlementaires les ont tracés ; grand sujet d’ébahissement pour le vulgaire, qui se figure les