Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/180

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les loges du cinquième, l’on soupe et l’on joue aux cartes), distraits, engourdis, enrhumés, viennent là non comme des artistes, mais comme des gens payés à l’heure, pour faire de la musique. Aussi, malgré l’exagération de geste et d’accent imposée par le goût italien, rien n’est glacial comme ces représentations ; de nuances, pas question ; d’effets d’ensemble, pas davantage ; chacun des acteurs ne pense qu’à soi, sans s’inquiéter de son voisin. À quoi bon d’ailleurs se donner de la peine pour un public qui n’écoute point ? La prima donna, dans la cavatine à la mode, a seule quelques chances de succès. Trios, quintetti, chœurs, finales, tout semble exécuté par des somnambules, et l’on peut dire avec vérité que les acteurs chantent à la fois, mais non pas qu’ils chantent ensemble. Pourtant, de peur que l’émotion ne soit trop forte, et afin de donner le temps aux imaginations trop excitées par l’intérêt dramatique de se calmer, il est d’usage, le premier acte fini, de représenter le ballet et de n’achever l’opéra qu’après les pirouettes. Le sujet du ballet que je vis était la Mort de Virginie. Des évolutions de chevaux, dans le style de Franconi, devaient nous transporter en esprit aux fêtes consulaires ; une pantomime exactement astreinte aux temps de la mesure, des gestes carrés, précis, anguleux, nous apprenaient le rapt de la jeune Romaine ; quelques entrechats admirables du danseur Brettin nous disaient le reste.

Et le tout a fini par un coup de poignard,