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V[1]

LE LAC DE COMO

À M. L. DE R.[2].
Bellaggio, 20 septembre.

Lorsque vous écrirez l’histoire de deux amants heureux, placez-les sur les bords du lac de Côme. Je ne connais pas de contrée plus manifestement bénie du ciel ; je n’en ai point vu où les enchantements d’une vie d’amour paraîtraient plus naturels. Les contrées alpestres, si grandes, si majestueuses, le sont trop peut-être pour notre petitesse. Leur grandeur écrase l’homme plutôt qu’elle ne l’élève. La permanence des glaciers l’averti trop de son instabilité ; la pureté immaculée de neiges éternelles est un reproche muet à sa conscience ternie ; les masses de granit suspendues sur sa tête, la sinistre verdure des sapins, un rude climat, les terreurs de l’avalanche, et la voix ininterrompue qui gronde au fond des abîmes, sont

  1. Gazette Musicale, 22 juillet 1838.
  2. Louis de Ronchaud.