Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/222

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chute de quatre empires ! Ce sont ces favoris des grands que Constantin ne voulut point laisser, lui qui laissait Rome ! que Dandolo ne refusa point, lui qui refusait Constantinople ! et que Napoléon voulut avoir, lui qui avait le monde ! Les voici revenus dans leur ancienne demeure, les portes de Saint-Marc s’ouvrent encore sous leurs pieds. Quel changement étrange s’est opéré durant leur courte absence ? où donc est le doge ? où sont les patriciens qui lui servaient de cortège ? Quelle est cette population qui marche indifférente et silencieuse sous les parvis de marbre, sous les coupoles de mosaïque ? Le palais est désert, la place est muette ; plus de cris de victoire, plus de joies ; grandeur, iniquité, terreur et gloire, tout est tombé dans les abîmes du passé. Le voile noir de Faliero s’est étendu sur toute la république ; un idiome inouï frappe l’air ; les nobles coursiers ne reconnaissent plus les voix accoutumées, seulement ils voient encore là-haut, sur sa colonne africaine, leur vieux compagnon de bronze, le lion ailé de Saint-Marc qui regarde toujours les flots.

Je me trompe : voici d’autres amis qui leur restent encore ; voici ces doux oiseaux, ces pigeons confiants qui voltigent sans crainte autour d’eux, et s’abattent comme autrefois sur leur crinière immobile. La république ailée, qui dut son origine aux jeux symboliques du catholicisme, subsiste encore, jeune et vivace, longtemps après que l’autre a cessé d’être ; l’état qui pourvoyait avec tant de soin à sa