Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VIII[1]

À M. LAMBERT MASSART[2]

En vérité, mon ami, c’est un grotesque personnage que celui de musicien-voyageur. Je n’en connais point qui fasse une plus piteuse figure, une plus fâcheuse contenance, alors qu’il s’en va de contrée en contrée, de ville en ville, de bourgade en bourgade, merveille ambulante au milieu des immuables merveilles de la nature, célébrité d’un jour passant à l’ombre des grands noms qui ont traversé les siècles ; inutile baladin, troubadour malencontreux, mêlant le son de sa guitare au bruit des discordes civiles, au retentissement des luttes et des déchirements qui travaillent le monde.

Le peintre qui voyage ne s’engage point dans d’aussi choquants contrastes ; il vit indépendant et solitaire ; la nature extérieure, qu’il aime, qu’il

  1. Gazette Musicale, 2 septembre 1838.
  2. Lambert Massart (1811-1802) violoniste, professeur au Conservatoire.