Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/231

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voyage maintenant en Italie, il faut qu’il soit, ainsi que moi, avide de soleil plus que de gloire, désireux de repos plus que d’argent, amoureux de peinture et de sculpture parce qu’il n’y entend rien, fort ennuyé de musique parce qu’il y entend quelque chose. Ce fut donc en présence d’un public très peu préparé à certaines vieilles idées sur la composition et l’exécution, idées qui ont fait faire parfois la grimace à de doctes critiques, et qu’en dépit de leur infaillibilité je garde avec entêtement ; ce fut devant un auditoire réduit presqu’exclusivement à la musique d’opéra réduite, que je risquai deux ou trois fantaisies de ma façon, très peu sévères, très peu savantes à coup sûr, mais qui pourtant ne rentraient point dans le cadre accoutumé. Elles furent applaudies, grâce, peut-être, à quelques gammes en octaves plaquées avec une dextérité assez louable, et à plusieurs cadences prolongées au-dessus du chant, capables de lasser le gosier du plus obstiné rossignol d’alentour. Encouragé par cette approbation flatteuse, me croyant sûr de mon terrain, je devins encore plus téméraire et je faillis compromettre cruellement mon pauvre petit succès en présentant au public un de mes derniers-nés de prédilection, un prélude-étude (Studio) qui, suivant moi, est une fort belle chose. Ce mot studio effaroucha tout d’abord : « Vengo al teatro per divertir me e non per studiare » s’écriait un monsieur au parterre qui exprimait en ce moment le sentiment d’une effrayante