Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/25

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rapprocher, tout concilier, on brisa le lien universel, on détruisit — en même temps que le développement naturel de chaque partie dans l’ensemble fut infirmé — on détruisit la grande vie harmonique de l’immense Tout[1].

C’est surtout en considérant la musique dans son origine et ses destinées successives que nous avons acquis la conviction de cette vérité. Nul art, nulle science (la philosophie exceptée) n’est en droit de revendiquer un aussi glorieux passé, une aussi antique et magnifique synthèse. Si nous remontons aux temps primitifs, nous voyons les hommes les plus illustres, les philosophes et les législateurs les plus vénérables, agenouillés devant son berceau. Égyptiens, Chinois, Persans, Grecs, tous les peuples, tous les sages de l’antiquité, sont unanimes à proclamer les merveilles et la souveraineté de la musique. Où est le penseur, où est l’homme sérieux qui n’ait été frappé maintes fois de la gravité du témoignage de tant de siècles ?… Y a-t-il des artistes qui n’aient tressailli au souvenir de la prodigieuse conception musicale de Pythagore ?… En est-il un qui ne se sente profondément ému aux récits miraculeux de nos saintes écritures, — aux paroles graves et suprêmes du Li Ki ?… Quel sentiment, quelle admirable compréhension de l’art, dans ces quelques fragments qui nous ont été con-

  1. On remarquera dans tout ce développement plus d’une idée et plus d’une expression qui tout ensemble rappellent le Saint-Simonisme et paraissent annoncer le positivisme.