Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/272

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religion, à la propagation de la foi. Ce fut lui qui, le premier, apporta le raisonnement, la doctrine là où il n’y avait encore eu que le sentiment. Pour lui, ce qu’il retrouve dans la musique c’est encore l’éloquence ; ce qu’il y voit, c’est l’enseignement par intuition ; c’est une autre prédication plus voilée, mais non moins puissante, qui attire les cœurs et les ouvre à la vérité. Aussi l’expression de son visage est-elle plutôt celle de la réflexion que celle de l’entraînement. On voit qu’il cherche à se rendre compte du mystère de ce langage nouveau pour lui, qu’il veut s’expliquer les effets de ce verbe et qu’il envie la jeune vierge parce qu’elle n’a point, ainsi que lui, acheté par les fatigues, les persécutions, la captivité, le don de persuasion et le pouvoir de changer les cœurs.

Derrière la sainte, saint Augustin paraît écouter avec plus de froideur. Son visage est sérieux et contristé. On reconnaît en lui l’homme qui a longtemps erré, qui a beaucoup failli, et qui se tient en garde contre les plus saintes émotions. Lui qui a livré à ses sens une guerre sans relâche, il craint encore les pièges de la chair cachés sous les apparences d’une vision céleste. Il se demande, en homme qui n’a trouvé la vérité qu’après s’être fatigué dans les sentiers du doute, en homme que l’art païen a séduit et entraîné loin de la voie qui mène à Dieu, s’il n’y a pas un poison secret dans ces harmonies sublimes et si ces accords qui semblent descendre du ciel ne sont point des voix