Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/295

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de ces différents théâtres, sont Marino-Faliero, Lucrezia Borgia, Parisina, l’Elisir d’Amore, et surtout la Lucia di Lammermoor. Ces opéras ayant tous été représentés à Paris, il n’y aurait nulle opportunité à vous en faire l’analyse. Le système dans lequel ils sont conçus rendrait d’ailleurs cette tâche difficile et ingrate pour moi. Parfois le souffle affaibli de Rossini s’v fait encore sentir et donne à ces corps sans âme une apparence de vie ; d’heureuses mélodies qui, en Italie, courent dans l’air comme on dit qu’à Paris l’esprit court les rues, viennent s’y placer au hasard et caressent agréablement l’oreille ; mais quiconque chercherait dans ces opéras la pensée, l’invention, la déclamation, l’expression dramatique, l’art enfin dans la sérieuse et grande acception du mot, perdrait, je crois, son temps et sa peine.

On comprend combien il est difficile que l’étude de ces compositions puisse former des acteurs et des chanteurs de premier ordre. Les belles voix sont, relativement à d’autres pays, communes en Italie. Les hommes naissent sur ce sol privilégié avec une naturelle aptitude pour les arts ; ils ont le regard plein de feu, le geste animé et la disposition enthousiaste qui fait les artistes : pourtant le nombre des chanteurs et des chanteuses distingués y est fort restreint. La négligence des compositeurs entraîne après elle la négligence de leurs interprètes. Des rôles qui n’ont point été pensés sérieusement par les uns ne sont point sérieusement