Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/304

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Sans doute, et je ne crois pas lui faire tort par cette supposition, il était aussi secrètement attiré par le désir de venir payer sa dette à sa patrie, de faire hommage à son pays du produit de ses veilles. Sans doute il lui était doux de penser que ses compositions, accueillies avec enthousiasme par l’Europe entière, allaient prendre droit de cité sur le sol natal, et qu’elles seraient reçues avec amour par ses compatriotes. Quoi qu’il en ait été de ses désirs, de ses projets, de ses illusions à cet égard, Spontini dut les perdre bien vite. Je le vis à ses premiers pas en Italie ; je me trouvai avec lui la première fois qu’il assista à une représentation de la Scala. Il put se convaincre dès ce soir-là même, que la musique telle qu’il la comprenait et la voulait serait un langage inintelligible de ce côté des Alpes ; que la grande école de déclamation fondée par Gluck, et dont il est un des continuateurs, leur était inconnue ; que les habitudes des artistes les rendaient impropres à exécuter les œuvres composées sous cette inspiration, et que le public n’était nullement préparé à les goûter. Il nous est permis de conjecturer, bien que Spontini n’ait jamais laissé échapper un mot qui trahît ses sentiments à cet égard, qu’il fut péniblement contristé par la conviction que, comme artiste, il resterait toujours étranger parmi les siens : que sa patrie ne rendrait hommage à son nom que sur le témoignage des autres nations. Il dut sentir et penser sans doute en ce moment que cette gloire, dont la terre étrangère