Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/14

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rière ; et, au lieu de recourir, comme on eût fait de notre temps, à quelque composé savant tiré du grec, on se borna modestement et sagement à transformer tout l’arsenal à cordes et à poulies en l’arsenal à poudre et à feu. Seulement, il faut se rappeler, quand on lit un texte du quatorzième siècle, qu’artillerie n’y signifie ni arquebuse, ni fusil, ni canon.

Assaisonner. — Le sens propre de ce mot, comme l’indique l’étymologie, est : cultiver en saison propre, mûrir à temps. Comment a-t-on pu en venir, avec ce sens qui est le seul de la langue du moyen âge, à celui de mettre des condiments dans un mets ? Voici la transition : en un texte du treizième siècle, viande assaisonnée signifie aliment cuit à point, ni trop, ni trop peu, comme qui dirait mûri à temps. Du moment qu’assaisonner fut entré dans la cuisine, il n’en sortit plus, et de cuire à point il passa à l’acception de mettre à point pour le goût à l’aide de certains ingrédients ; sens qu’il a uniquement parmi nous.

Assassin. — Ce mot ne contient rien en soi qui indique mort ou meurtre. C’est un dérivé de haschich, cette célèbre plante enivrante. Le Vieux de la Montagne, dans le treizième siècle, enivrait avec cette plante certains de ses af-