Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/50

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Grivois. — Un grivois, une grivoise, est une personne d’un caractère libre, entreprenant, alerte à toute chose ; mais bien déçu serait celui qui en chercherait directement l’étymologie. Le sens immédiatement précédent, qui d’ailleurs n’est plus aucunement usité, est celui de soldat en général ; le soldat se prêtant par son allure déterminée à fournir l’idée, le type de ce que nous entendons aujourd’hui par grivois. Est-ce tout ? pas encore, et la filière n’est point à son terme. Avant d’être un soldat en général, le grivois fut un soldat de certaines troupes étrangères. Encore un pas et nous touchons à l’origine de notre locution. Le grivois des troupes étrangères était ainsi nommé parce qu’il usait beaucoup d’une grivoise, sorte de tabatière propre à râper le tabac. Grivoise est l’altération d’un mot suisse rabeisen, râpe à tabac (proprement fer à râper). Quel long chemin nous avons fait et quelle bizarrerie, certainement originale et curieuse, a tiré d’une espèce de râpe un mot vif et alerte, qu’il n’est pas déplaisant de posséder !

Groin. — La prononciation offre ici le même cas pathologique que pour grief ; elle représente par deux syllabes une syllabe unique du latin. En effet groin vient de grun-nire, qui a donné grogn-er, où grogn est monosyllabique comme cela doit être. La vieille langue n’avait