Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

elle et son mary ne mangoient du fruit de l’arbre de vie, comme ilz faisoient des autres. Ce fut celle qui respondit sans le conseil de son mary, et lui y tint parolle, dont elle fit que folle, et luy en meschey ; car la responce ne lui avenoit mie, ains appartenoit à son seigneur à en respondre ; car Dieu avoit baillé la garde d’elle et du fruit à son seigneur, et divisé de quel fruit ilz mangeroient. Et pour ce peust avoir respondu que il en parlast à son seigneur, non pas à elle, et se feust couverte et deschargée. Et pour ce, belles filles, devez prendre en ce bon exemple que, se aucuns vous requiert de folie ou de chose qui touche contre vostre honneur, vous vous pouvez bien couvrir et dire que vous en parlerez à vostre seigneur ; ainsi vous les vaincrez et ne ferés pas comme la seconde folie de Eve, qui fist la responce, sans ce que elle s’en couvrist ne sans le conseil de son seigneur. Et pour ce, belles filles, je vouldroye bien que vous retenissiez l’exemple d’une bonne dame de Acquillée, que le prince d’Acquillée prioit de folles amours. Et, quant il l’eust assez priée et assez parlé, elle lui respondit que elle en demanderoit l’avis à son seigneur ; et quant le prince vit ce si la laissa ester et oncques plus ne lui en parla, et disoit à plusieurs que c’estoit une des parfaittes dames de son païx, et ainsi la bonne dame en receut grand pris et grant honnour. Et ainsy le doit faire toute bonne dame, non pas respondre de soy meismes, comme fist Eve.