Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/222

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l’escuier qui essaya sa femme, que il vit juenne. Sy ly va dire : « M’amie, je vous diray un grant conseil, mais que vous ne m’en descouvriés pas pour riens. Je vous dy que j’ay pont ij. oeufz, mais pour Dieu ne le dictes mie. » Et elle respondit que par sa foy non feroit-elle. Sy li fust bien tart que le jour ne venoit pour l’aler dire à sa commère, et, quant vint qu’elle peut trouver sa voisine, elle lui dist : « Ha, ma très doulce amie, je vous deisse un grant conseil, mais que vous ne le deistes pas », et elle lui promist que non feroit-elle, « Se Dieu m’aist, il est advenu une grant merveille à mon seigneur, car pour certain, ma doulce amie, il a pont iij. oeufz. » — Saincte Marie, fist l’autre, comment puet ce estre ? c’est grant chose. » Si s’en party celle à qui le conseil avoit esté dit, et ne se peut tenir de l’aler dire à une autre, et lui dist que tel escuier si avoit pont iiij. eufz. Et puis celle le dit à un autre, qui dit que il en avoit pont v, et ainsi creust la chose d’une en autre, que les ij. eufz vindrent à cent, et tant que tout le pays en fust plain de renomée, et que l’escuier le sceust par plusieurs gens. Et lors il appella sa femme et plusieurs de ses parens, et lui dist : « Dame, vous m’avez moult bien creu la chose que je vous avoie dit en conseil, car je vous avoye dit que je avoye pont ij. eufz ; mais, Dieu mercy, le conte est creu, car l’en dit que il y en a cent. Sy avez descouvert mon conseil. » Et ainsi celle se tint pour honteuse et pour nice, et ne sceust que respondre. Et par ceste exemple se doit garder toute bonne femme de descouvrir le secret de son seigneur.