Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/230

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ardoir, et tant que riens ne lui demoura fors les corps de luy et de sa femme, et fut si pauvre qu’il luy convint gesir en un fumier, où les vers lui avoient tout rungié la teste et estoient par ses cheveulx. Et sa femme lui apportoit du relief et luy soustenoit la vie. Dont il avint que une fois elle se courrouça, si comme elle fust temptée, et lui dist : « Sire, mourrez-vous en ce fumier, puis que autrement ne vous povez avoir. » Et toutefois, combien qu’elle le deist par yre, elle ne le vouloit pas, comme bonne preude femme qu’elle estoit. Mais le preudhomme ne luy respondist riens, fors que tout feust au plaisir de Dieu, et qu’il fust mercié de tout. Ne oncques, pour mal ne douleur qu’il lui avenist, il n’en dist autrement fors que mercier Dieu de tout. Et quand Dieu l’eut bien essayé et bien esprouvé, si le redressa et lui donna autant de bien et d’onneur comme il eut oncques. Et aussi comme ce fait advint au viel testament est-il avenu au nouvel, dont vous en trouverez l’exemple en la legende saint Eustace, qui perdist terres et biens et femme et enffans, bien par l’espace de xiij ans, et puis Dieux le releva et lui rendy sa femme et ses enffans et plus la moitié de terres, richesses et honneurs terriennes que ilz n’avoient oncques maiz euz. Pour ce avons-nous cy bon exemple comment nul ne doit despire le mehaing ne le mal d’autruy, car nul ne scet qui à l’ueil lui pent, ne nul ne se doit esmerveillier ne esmaier des fortunes ne des tribulacions à soy ne à ses voysins, et doit l’en du tout mercier Dieu, comme firent Job et saint Eustace, et avoir bonne esperance en Dieu et soy humilier, et penser que Dieu est aussy puissant de rendre le