Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/73

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responce, de tout ce ne faisoyent-ilz compte ; car paour ne honte n’en avoient, tant en estoient duiz et accoustumez, tant estoyent beaux langagiers et emparlez. Car maintes foiz vouloient partout desduit avoir, et ainsi ne faisoient que decevoir les bonnes dames et demoiselles, et compter partout les nouvelles, les unes vraies, les aultres mençonges, dont il en advint mainte honte et maint villain diffame sanz cause et sanz raison. Et il n’est au monde plus grant trayson que de decevoir aucunes gentilz femmes, ne leur accroistre aucun villain blasme ; car maintes en sont deceues par les grans seremens dont ilz usent. Dont je me débaty maintes foys à eulx et leur disoie : « Comment estes-vous telz qui ainsi souvent vous parjurez ? car à nulle, forz à une, tendre ne devez. » Mais nulz n’y mettroit arroy, tant sont plains de desarroy. Et, pour ce que je vis celuy temps dont je doubte que encore soit courant, je me pensay que je feroye un livret, où je escrire feroye les bonnes meurs des bonnes dames et leurs biens faiz, à la fin de y prendre bon exemple et belle contenance et bonne manière, et comment pour leurs bontés furent honnourées et louées et seront aussi à tousjoursmaiz pour leurs bontés et leurs biens faiz, et aussi par celle manière feray-je escrire, poindre, et mettre en ce livre le mehaing des maulvaises deshonnestes femmes, qui de mal usèrent et eurent blasmes, à fin de s’en garder du mal où l’en pourroit errer comme celles qui encore en sont blasmées, et honteuses et diffamées. Et pour cestes causes que j’ay dessus dictes, je pensay que à mes filles, que je véoie petites, je leur feroye un livret pour