Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/78

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effrayez, dont la fièvre le prist et fut malades au lit. Maiz à l’autre chevalier ne avint pas ainsi, car il entra entre les courtines et ençainta la fille ainsnée de l’Empereur. Et quant l’Empereur sceut qu’elle fut grosse, il la fist noyer par nuit et le chevalier fist escorchier. Et ainsi par celui faulx delit morurent tous deux. Maiz l’autre fille fut sauvée par ainsi comme je vous ay dit et diray. Quant vint à lendemain l’en disoit par tout que le chevalier estoit malade au lit ; celle par qui le mal lui fust prins le vint veoir et lui demanda comment le mal lui estoit prins. Si luy en dist la verité, comment il se cuida bouter ès courtines, et il vit à merveille grant nombre de gens en suaires environ elle, dont, ce dist-il, si grant paour hideur me print que a pou que je n’enraigay, et encores en suis-je tout effrayé. Et quant la damoiselle oyst la verité, si en fust esmerveillée, et mercia Dieu moult humblement, qui sauvée l’avoit d’estre périe et deshonourée, et dès là en avant elle aoura et loua Dieu toutes foiz qu’elle s’esveilla et pria moult doucement pour les mors plus que devant, et se tint chastement et nettement ; et ne demoura gaires que un grant roy de Grèce la fist demander à son père, et il luy donna, et fust depuis bonne dame et de notte, et de moult grant renommée. Et ainsi fut sauvée pour aourer et gracier Dieu et pour prier pour les deffuncts. Et sa suer ainsnée, qui se mocquoit et se bourdoit, elle fut morte et deshounorée, et pour ce, mes chières filles, souviengne vous de cest exemple, toutes foiz que vous esveillerez, et ne vous endormez jusques à ce que vous ayez prié les deffuns comme faisoit la fille l’empereur.