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AVIS
SUR CETTE
TROISIEME EDITION.



QUoique dans la Premiére Edition Françoiſe de cet Ouvrage, M. Locke m’eût laiſſé une entiére liberté d’employer les tours que je jugerois les plus propres à exprimer ſes penſées, & qu’il entendît aſſez bien le genie de la Langue Françoiſe pour ſentir ſi mes expreſſions répondoient exactement à ſes idées, j’ai trouvé, en lui reliſant ma Traduction imprimée, & après l’avoir, depuis, examinée avec ſoin, qu’il y avoit bien des endroits à reformer tant à l’égard du ſtile qu’à l’égard du ſens. Je dois encore un bon nombre de corrections à la critique pénétrante d’un des plus ſolides Ecrivains de ce ſiecle, l’illuſtre M. BARBEYRAC, qui ayant lû ma Traduction avant même qu’il entendit l’Anglois, y découvrit des fautes, & me les indiqua avec cette aimable politeſſe qui eſt inſeparable d’un Eſprit modeſte & d’un cœur bien fait.

En reliſant l’Ouvrage de M. Locke, j’ai été frappé d’un défaut que bien des gens y ont obſervé depuis long-temps : ce ſont les repetitions inutiles. M. Locke a preſſenti l’Objection ; & pour justifier les repetitions dont il a groſſi ſon Livre, il nous dit dans la Préface, qu’une même notion ayant differens rapports peut être propre ou néceſſaire à prouver ou à éclaircir differentes parties d’un même diſcours, & que, s’il a repeté les mêmes argumens, ç’a été dans des vuës differentes. L’excuſe eſt bonne en général : mais il reſte bien des repetitions qui ne ſemblent pas pouvoir être pleinement juſtifiées par-là.

Quelques perſonnes d’un goût très délicat m’ont extrêmement fellicité à retrancher absolument ces ſortes de repetitions qui paroiſſent plus propres à fatiguer qu’à éclairer l’Eſprit du Lecteur : mais je n’ai pas oſé tenter l’avanture. Car outre que l’entrepriſe me ſembloit trop pénible, j’ai conſideré qu’au bout du compte la plûpart des gens me blâmeroient d’avoir pris cette licence, par la raiſon qu’en retranchant ces repetitions, j’aurois fort bien pû laiſſer échapper quelque reflexion, ou quelque raiſonnement de l’Auteur. Je me ſuis donc entierement borné à retoucher mon ſtile, & à redreſſer tous les Paſſages où j’ai cru n’avoir pas exprimé la penſée de l’Auteur avec aſſez de préciſion. Ces Correc-