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XXXV
DE L’AUTEUR

pitre touchant l’Idendité, & quantité d’additions & de corrections qu’on a fait en d’autres endroits. A l’égard de ces Additions, je dois avertir le Lecteur que ce ne ſont pas toûjours des choſes nouvelles, mais que la plûpart ſont, ou de nouvelles preuves de ce que j’ai déja dit, ou des explications, pour prévenir les faux ſens qu’on pourroit donner à ce qui avoit été publié auparavant, & non des retractations de ce que j’avois déjà avancé. J’en exepte ſeulement le changement que j’ai fait au Chapitre XXI. du ſecond Livre.

Je crus que ce que j’avois écrit en cet endroit ſur la Liberté & la Volonté, méritoit d’être revû avec toute l’exactitude dont j’étois capable, d’autant plus que ces Matiéres ont exercé les Savans dans tous les ſiécles, & qu’elles ſe trouvent accompagnées de Questions & de difficultez qui n’ont pas peu contribué à embrouiller la Morale & la Théologie, deux parties de la Connoiſſance ſur leſquelles les hommes ſont le plus intereſſez à avoir des Idées claires & diſtinctes. Après avoir donc conſideré de plus près la maniére dont l’Eſprit de l’Homme agit, & avoir examiné avec plus d’exactitude quels ſont les motifs & les vûës qui le déterminent, j’ai trouvé que j’avois raiſon de faire quelque changement aux penſées que j’avois eûës auparavant ſur ce qui détermine la Volonté en dernier reſſort dans toutes les actions volontaires. Je ne puis m’empêcher d’en faire un aveu public avec autant de facilité & de franchiſe que je publiai d’abord ce qui me parut alors le plus raiſonnable, me croyant plus obligé de renoncer à une de mes Opinions lorſque la Vérité lui paroît contraire, que de combattre celle d’une autre perſonne. Car je ne cherche autre choſe que la Vérité, qui ſera toûjours bien-venuë chez moi, en quelque temps & de quelque lieu qu’elle vienne.

Mais quelque penchant que j’aye à abandonner mes opinions & à corriger ce que j’ai écrit, dès que j’y trouve quelque choſe à reprendre, je ſuis pourtant obligé de dire que je n’ai pas eu le bonheur de retirer aucune lumière des Objections qu’on a publiées contre différens endroits de mon Livre, & que je n’ai point eu ſujet de changer de penſée ſur aucun des articles qui ont été mis en queſtion. Soit que le ſujet que je traite dans cet Ouvrage, exige ſouvent plus d’attention & de méditation que des Lecteurs trop hâtez, ou déja préoccupez d’autres Opinions, ne ſont d’humeur d’en donner à une telle lecture, ſoit que mes expreſſions répandent des ténèbres ſur la matiére même, & que la maniére dont je traite ces Notions empêche les autres de les comprendre facilement ; je trouve que ſouvent on prend mal le ſens de mes paroles & que je n’ai pas le bonheur d’être entendu par-tout comme il faut.

C’eſt dequoi l’ingenieux ** M. Lowde, Eccleſiaſtique Anglois, mort depuis quelque temps. Auteur d’un Diſcours ſur la Nature de l’Homme, m’a fourni depuis peu un exemple ſensible, pour ne parler d’aucun autre. Car l’honnêteté de ſes expreſſions & la candeur qui convient aux perſonnes de ſon Ordre, m’empêchent de penſer qu’il ait voulu inſinuer ſur la fin de ſa Préface que par ce que j’ai dit au Chapitre XXVIII. du ſecond Livre j’ai voulu changer la Vertu en Vice & le Vice en Vertu, à moins qu’il n’ait mal pris ma penſée ; ce qu’il n’auroit pû faire, s’il ſe fût donné la peine de conſiderer quel étoit le ſujet que j’avois alors en main, & le deſſein principal de ce Chapitre qui eſt aſſez nettement expoſé dans ** Pag. 279. le quatriéme Paragraphe & dans les ſuivans. Car en cet endroit mon but n’étoit pas de donner des Règles de Morale, mais de montrer l’origine & la nature des Idées Morales, & de déſigner les Règles dont les