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LE DIEU DE SES PÈRES

sent, et qui l’avait façonné, lui, son serviteur, de si faible argile.

Cette révolte intérieure et la pression des faits eussent suffi pour amener un homme d’un autre calibre que Sturges Owen à abdiquer sa foi ; pour celui-ci, les conséquences étaient inévitables.

Si on l’avait élevé à la dignité de servir le Seigneur, c’était pour mieux l’abaisser ensuite. On lui avait bien donné la foi et l’esprit, mais il lui manquait la force qui permet de surmonter tous les obstacles.

— Où est maintenant ton Dieu ? demanda le métis.

— Je n’en sais rien ! répondit-il, droit et immobile comme un enfant récitant son catéchisme.

— As-tu seulement un Dieu ?

— J’en avais un !

— Et maintenant ?

— Je n’en ai plus.

Hay Stockard essuya le sang qui lui coulait dans les yeux, et partit d’un éclat de rire. Le missionnaire le regarda étrangement, et comme dans un songe. Il lui sembla qu’une infinie distance le séparait du présent, comme s’il eut été soudain transporté dans le recul des âges. Dans le drame auquel il venait d’assister, et celui qui se déroulait maintenant, il ne jouait aucun rôle. Il regardait en spectateur, de loin, de très loin.

Les paroles de Baptiste lui parvinrent comme assourdies.

— Très bien ! veillez à ce que cet homme parte