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L’ABNÉGATION DES FEMMES

long de leur échine quand ils entendirent les cris plaintifs des chiens qui hurlaient leur misère dans la bise glaciale.

— Chaque jour, Passuk et moi découvrions, dans la neige, l’endroit foulé où avaient dormi les deux ombres, et nous souhaitions ardemment les retrouver avant notre arrivée à l’Eau Salée.

Peu après, nous croisâmes l’Indien qui marchait comme un autre fantôme, le cou tendu dans la direction de Pelly.

Il nous confia qu’ils n’avaient pas loyalement partagé leurs vivres, l’homme et le jeune garçon, et, depuis trois jours, il manquait de farine.

Tous les soirs, il faisait bouillir des lambeaux de ses mocassins dans une tasse, puis les mangeait. Le cuir allait aussi lui faire défaut.

C’était un Indien de la côte, ainsi que me l’apprit Passuk, qui parlait sa langue. Étranger dans le Yukon, il ne connaissait pas la route, cependant il se dirigeait droit vers Pelly.

Quelle distance l’en séparait encore ? Deux sommeils ? Dix ? Une centaine ? Il n’en savait rien. Il allait là bas, voilà tout, et il était trop loin pour songer à rebrousser chemin.

Se rendant compte que, nous aussi, nous étions à court, il ne nous demanda pas de nourriture.

Passuk regarda le sauvage, puis tourna ses yeux vers moi, comme si son esprit était partagé entre deux idées, telle une perdrix dont les petits sont en danger.