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JACK LONDON

À ce moment, mes yeux tombèrent par hasard sur Johansen. Il serrait et desserrait alternativement ses gros poings. Son regard, qui ne quittait pas Johnson, était haineux. Sous son œil, une trace noire, imperceptible, était visible. Elle provenait d’une correction que, quelques soirs auparavant, il avait reçue du matelot. Et je commençais à comprendre qu’une tempête terrible allait se déchaîner.

— Tu sais ce qui arrive à ceux qui osent dire, de moi et de mon magasin, ce que tu en as dit ? interrogea Loup Larsen.

— Je le sais, capitaine.

— Et qu’est-ce que c’est ? reprit Loup Larsen, dont la voix était devenue impérative et dure.

— C’est ce que vous avez l’intention de me faire subir.

Loup Larsen se tourna vers moi.

— Regardez-le, Hump ! s’écria-t-il. Regardez ce grain de poussière, ce conglomérat de matière, qui se croit d’une essence supérieure. Il a l’esprit imprégné d’un tas d’idioties, telles que la morale et le droit, et il prétend vivre en conformité de ces principes, même s’il doit lui en cuire. Hump, que pensez-vous de lui ?

— Je pense qu’il vaut mieux que vous ! répondis-je, espérant détourner sur moi une part de la fureur redoutable que je sentais prête à fondre sur le pauvre diable. Avec ce que vous appelez ces idioties, il a un idéal, que vous n’avez pas, et

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