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JACK LONDON

je me levai, faible et souffrant cruellement, pour tirer ma seconde journée sur le Fantôme.

À cinq heures et demie, Thomas Mugridge était venu me virer de ma couchette, en y mettant autant d’aménité que Bill Sykes lorsqu’il secouait les puces de son chien[1]. Mais son manque de savoir-vivre lui fut payé avec usure. Le tapage inutile — je n’avais pas fermé l’œil de la nuit — auquel il se livra, réveilla un des chasseurs de phoques. J’entendis, dans la pénombre, un énorme soulier fendre l’air en direction du coq. Il poussa un cri de douleur, puis demanda à tous humblement pardon.

Lorsque je me retrouvai avec lui, dans la cuisine, je remarquai que son oreille était enflée et meurtrie. Elle ne revint jamais à son état normal et tout le monde à bord l’appela dorénavant « Oreille en chou-fleur ».

Un tas d’événements pitoyables s’abattirent sur moi.

Étant tout d’abord rentré en possession de mes vêtements, qui avaient fini de sécher devant le fourneau de la cuisine, je voulus immédiatement les échanger contre les hardes dont j’étais affublé.

Dans ma poche, je cherchai mon porte-monnaie. En plus d’une certaine quantité de petite monnaie, il contenait — j’en avais le souvenir très net — cent quatre-vingt-cinq dollars, en pièces d’or et

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  1. Personnage légendaire, comme notre Jean de Nivelle.