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DANS LE CACHOT AVEC ROUSSENQ


L’après-midi, je fis armer le canot et repartis pour Saint-Joseph. Quand, en arrivant, je dis au chef de camp : « Je viens voir Roussenq », l’effarement le cloua au sol. On ne voit pas Roussenq. C’est comme si j’avais frappé aux portes de l’enfer, disant : « Je viens voir le diable. » Le diable existe, mais ne reçoit pas. Roussenq non plus. Mais l’ordre que je portais était formel.

Nous montâmes par un chemin rouge et glissant. Malgré les avertissements, je fis, à plusieurs reprises, plusieurs mètres à quatre pattes… la mer battait la petite île Saint-Joseph.

Le local disciplinaire. Nous y pénétrons. Nos pas réveillent la voûte. Ces portes de cachots ont définitivement l’air de dalles verticales de tombeaux. C’est ici qu’est Roussenq, dans cette rue de cachots inhabités, seul, comme il l’a demandé.

On déferre la porte. Elle s’ouvre.

Roussenq se dresse sur son bat-flanc et regarde. Il regarde quelqu’un qui n’est pas un surveillant, qui n’est pas un commandant, qui n’est pas un porte-clés. La surprise est plus forte que lui ; il dit :

— Un homme !

On me laisse seul. Je pénètre dans le cachot. Roussenq en est à la période des dix jours de cachot demi-clair.