Page:Londres - Au bagne.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

non ! L’amant de « Casque d’Or » vit encore. Il est libéré. Quand je l’aperçus, il était sur une échelle, la truelle en main, faisant le maçon.

— Oui, je suis maçon, me dit-il, ça ne vous va pas ?

Quand je l’eus apprivoisé, nous partîmes tous deux prendre un verre chez Pomme à Pain.

— Un mou-civet ! un !

On ne mange que des mous-civet dans ces palaces !

— Et vous ne savez pas combien cette crapule de Pomme à Pain tire de biftecks dans une tête de bœuf ? Dix-neuf ! Eh bien ! voilà notre vie ! J’ai fait vingt ans. Pourquoi ? Pour rien. Un fripouillard, Lecca, me brûle d’un coup de revolver, je lui envoie mon couteau dans le ventre. C’est de la défense. Il n’en est pas même mort. Le bouquet, c’est qu’il est venu — pour une autre affaire. — Pendant cinq ans, nous nous sommes cherchés — non pour nous embrasser. Il voulait me tuer, et prétendait ne s’être fait envoyer au bagne que dans ce but. Bah ! Bah ! tout cela est vieux, c’est fini. J’ai payé pour le socialisme, pour l’anarchisme, pour l’apachisme. J’ai payé. Bien. Mais c’est fini. Plutôt ça commence ! Quand je me regarde aujourd’hui, je me dis que j’étais heureux au bagne. J’ai été infirmier pendant vingt ans. Tous les docteurs vantaient mon doigté. J’avais leur confiance. Je faisais moi-même, tout seul, les petites opérations.