Page:Londres - Au bagne.djvu/26

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halo, lus sur le sein droit du bagnard : « J’ai vu. J’ai cru. J’ai pleuré. »

L’« amiral » demanda : « Vous n’avez pas une cigarette de France, chefs ? »

On n’avait pas de cigarettes de France.

Et je vis, au hasard de ma lampe, qu’il avait ceci, tatoué au-dessous du sein gauche : « L’indomptable cœur de vache. »

Les six ramaient dur. C’était lourd et la vague était courte et hargneuse. Curieux de cette littérature sur peau humaine, je « feuilletai » les autres torses, car, pour être plus à l’aise, tous avaient quitté la souquenille. Sur le bras de celui-ci, il y avait : « J’ai (puis une pensée était dessinée) et au-dessous : à ma mère. » Ce qui signifiait : « J’ai pensé à ma mère. » Je regardai son visage, il cligna de l’œil. Il faisait partie de ces forçats qui ont une tête d’honnête homme.

Je me retournai. Les deux qui m’avaient fait passer le frisson dans le dos offraient aussi de la lecture. Sur l’un trois lignes imprimées en pleine poitrine :


Le Passé m’a trompé,
Le Présent me tourmente,
L’Avenir m’épouvante.


Il me laissa lire et relire, ramant en cadence.

Le second n’avait qu’un mot sur le cou : « Amen. »