Page:Londres - Au bagne.djvu/49

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— Et il aura raison ! dit Bel-Ami. Je vais vous faire comprendre. Supposons que nous commettions un crime, tous deux… On est arrêté ensemble, ensemble, on arrive au Maroni, on en a chacun pour huit ans. On fait son temps. Après, moi je m’évade. Je passe cinq années sur les trottoirs de New York, de Rio ou Caracas, et je rapplique. D’après la loi, on doit me libérer. J’ai été cinq ans absent. Et on me libère ! Vous qui serez resté à trimer, vous en aurez encore jusqu’à perpétuité !

— Quand nos aïeux ont fait la loi, ils devaient être noirs, dit l’abruti qui, dans sa pénombre, avec obsession, rêvait à l’or.

Je payai.

— Pour le vin seulement ; c’est moi qui offre les deux rhums.

— Merci.

Et je sortis.

C’était la nuit sans étoiles. Cayenne, comme d’habitude, était déserte et désespérée. J’avais à peine fait vingt pas dans les herbes qu’on m’appelait. C’était Bel-Ami.

— Pardon, monsieur ! fit-il en soulevant son canotier, vous avez oublié votre monnaie sur la table.

Il me la rapportait.