Page:Londres - Au bagne.djvu/66

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J’y étais depuis douze ans. Un grand sarcasme silencieux me traversa l’âme. Mais j’étais un traître. J’expiais. Toujours les deux points de vue.

— Vous logiez dans la case en haut ?

— Pas tout de suite. Elle n’était pas bâtie. Je suis resté un an dans l’ancienne case à Dreyfus, face à la mer.

— Le tintamarre infernal des lames ne vous a pas rendu sourd ?

— Non. Mais je connais tous les requins. Je leur avais donné des noms et je crois bien qu’ils accouraient, quand je les appelais, les jours où j’avais trop besoin de voir quelqu’un…

On m’avait dit : « Ullmo est vidé. Le châtiment fut le plus fort. Vous ne trouverez qu’une loque. » C’était faux. Son intelligence est encore au point.

— A-t-on parlé de mon changement de situation en France ?

— Oui.

— Ah ! fit-il, agacé. Je n’ai jamais compris quel ragoût avait mon histoire pour le public. Ce n’était qu’une pauvre histoire. Oh ! si pauvre !

— Et maintenant, attendez-vous mieux ?

— Que voulez-vous que j’attende ? Je ne suis pas un sympathique, pour que l’on s’occupe de moi.

— Et votre famille ?

— Ce que je puis faire de mieux pour ma famille est de me faire oublier d’elle. Avoir un