Page:Londres - Au bagne.djvu/70

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connu la case. Il habitait seul, dans un carbet, sur la belle route brique qui monte au plateau. Gardien de la poudrière ! c’était son titre : c’est-à-dire, qu’il était rentier.

Puis, il fut libéré.

Un jour, on vit débarquer du Biskra à Cayenne (un seul bateau vient à Cayenne : le Biskra, car pour parler comme les gens du cru, la Guyane n’est pas un pays, c’est le cul-de-sac du monde. Encore est-ce moi qui, pour être poli, ajoute : de sac), on vit débarquer une dame très bien. Pendant la traversée, le bord se demanda quelle pouvait être cette dame très bien qui allait à Cayenne. C’était Mme Péronnet.

Épouse divorcée de M. Duez, elle venait, après douze ans, rejoindre son ex-mari.

Alors, une légende courut la côte du châtiment.

— Ce n’est pas clair, dit-on. Ces choses-là n’arrivent jamais. Les femmes les plus amoureuses écrivent pendant un an, deux ans, trois ans, c’est le maximum. L’une tint cinq années, mais c’était une excentrique ! Qu’est-ce que Mme Péronnet vient faire dans cette galère ?

Quand on apprit que pendant la guerre, Mme Péronnet avait fréquenté le « deuxième bureau », chacun se frappa le front : « J’y suis ! Elle est envoyée par la Sûreté. On a peur que Duez se venge. Il pourrait écrire ses mémoires, les vendre à l’étranger ! s’évader ! On lui envoie la chaîne, la douce chaîne ! »