Page:Londres - Au bagne.djvu/90

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pour Mana et Saint-Laurent-du-Maroni : Chinois, Indiens, coolies, noirs, d’autres moins foncés, des presque blancs. Tous traînaient une batterie de cuisine. On aurait dit un comice de ferblantiers ambulants. Ils vociféraient. Les casseroles sonnaient, cela grouillait si fort que l’on ne savait plus au bout d’un moment, si c’étaient les hommes qui avaient une voix de ferraille ou les casseroles qui parlaient nègre !

Ils enlevèrent le pont d’assaut. Entraîné par la vague extra-humaine, je pus néanmoins m’arcbouter contre un Chinois, ce qui me permit de défendre mes cinquante centimètres carrés de territoire. Dès que le bateau leva l’ancre, les descendants de Cham, de Sem et de Japhet s’étendirent. Les pieds mordorés d’une Indienne s’allongeaient sur mes tibias, la pointe de l’omoplate du Chinois me perçait le dos et deux petites moricaudes crépues dormaient déjà dans mes bras. Toute cette humanité fut horriblement malade ; mais comme dirait Lamennais, tirons le rideau sur cette scène épouvantable.


L’ÎLE ROYALE


Onze heures du soir. Le ciel est noir, la mer est noire, l’horizon est noir. Je suis arrivé. L’Oyapok stoppe.

L’obscurité est trop opaque. Je ne vois pas de