Page:Londres - Le chemin de Buenos-Aires, 1927.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

Si elle rue après le dressage, il convient de s’en débarrasser.

Je décidai de la vendre.

— De la vendre ?

— Oui, monsieur. Elle était dans une boîte marseillaise. Il me fallait un « Martigues ». On m’en signala un dont la femme venait justement de se trouver mal, c’est-à-dire de se trouver trop bien dans les bras d’un client. Il lui avait fait un sort… un sort momentané. Je dénichai le Martigues.

— Ne pourrais-tu m’acheter ma môme, lui dis-je. — Pourquoi que tu la vends ? Je n’allais pas abîmer ma marchandise. Un bon maquignon sait voiler les défauts de sa bête. — Nos caractères ne vont pas ensemble, je lui dis. — Combien que t’en veux. — Prix coûtant : deux mille piastres. Je ne gagne rien dessus. Bien frisée, elle en vaut une autre. — Treize cents piastres, je paye comptant !

J’avais jugé qu’elle ne valait pas cher. Il lui eût fallu trois mois pour me rapporter ça. J’acceptai.

— Bon ! dit le Martigues, dès ce soir je vais me « porter dedans ». — Permets un conseil : elle ne m’a pas à « la bonne ». Je connais son cœur et ses manières. Lève-la amoureusement. Tu seras censé me l’avoir « fauchée ». Dis-lui que pour moi elle ne sera jamais qu’un « doublard », que j’ai une femme qui me tient à l’âme, que je ne lui ferai