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TERRE D’ÉBÈNE

— Restez avec nous, fit le commandant. Là c’est le pays du Diable !

J’avais touché Dakar dans le temps. Je me rappelais, c’était la nuit, pendant le dur mois de septembre. La chaleur montait du sol, sortait des murs, tombait du ciel. Le voyageur connaissait les sensations du pain que l’on enfourne. La ville était comme imbibée d’une oppressante tristesse. J’allais alors au hasard, sans espérer m’égarer, sentant bien que ce n’était pas grand. Dakar, porte de notre empire noir ! Qu’y avait-il derrière ? De ce premier contact, deux souvenirs : les airs de phonographe qui rôdaient dans les rues du quartier administratif, airs européens traînant comme des exilés dans un pays où ils se sentaient perdus ; et, plus bas, dans la salle à manger d’un hôtel dit Métropole, une centaine de blancs plus jeunes que vieux, sans veste, sans gilet, chemise ouverte sur poitrine nue et soulevant d’une fourchette lourde un morceau de bidoche qui ne les tentait guère. Les colons !

Deux autres fois je n’avais pu toucher Dakar. C’était défendu. Dakar était pestiférée. Les bateaux la fuyaient à toute machine, filant de Madère ou des Canaries directement sur Pernambouc ou Rio de Janeiro. C’était au temps de la fièvre jaune.

Joli temps ! Belle fièvre !