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L’Infant.

Peu m’importe. Cela ne touche guère mon cœur.

Valerio.

On attend demain votre soleil, — votre épouse, que le roi votre père a demandée pour vous et que le roi de France vous envoie.

L’Infant.

En ce cas, mon épouse sera un soleil éclipsé ; car je ne veux pas la voir.

Valerio.

Il vous sera difficile de l’éviter. Des courriers ont été expédiés en tous sens avec ordre de vous chercher.

L’Infant.

J’espère bien qu’ils ne me trouveront pas.

Valerio.

Pourquoi vous défendre de cette union ?

L’Infant.

J’adore Celia. Elle seule est ma déesse et mon épouse. — Écartons-nous un peu ; voilà des gens qui sortent du moulin. Quand je pense qu’ils appartiennent à la duchesse, je serais tenté de me mettre à leurs pieds.

L’Infant et Valerio s’éloignent.


Entrent LE COMTE et MELAMPO.
Melampo.

Viens avec moi dans le bois, Martin ; c’est là qu’il faut que je te parle.

Le Comte.

Mais quelle est ton intention ? Je soupçonne que tu as conçu quelque mauvais dessein.

Melampo.

Tu devines mal la folie où ma passion me porte… Je ne médite rien contre toi. Vois-tu cette corde ? vois-tu ces arbres ?

Le Comte.

Eh bien ! que veux-tu faire ?

Melampo.

Ce que je veux, c’est que tu dises à cette ingrate, qui me dédaigne après deux années de soins et de tendresse, que je n’ai pas pu supporter de la voir te donner son amour, et que le pauvre Melampo a mis fin à ses jours dans ce bois.

Le Comte.

Laisse donc, imbécile. Comment ! tu renoncerais pour une femme à la vie, au plus précieux des biens ?

Melampo.

Et sans regret, tu vas voir.

Il attache la corde à la branche d’un arbre.