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Premier captif.

De Majorque.

Le marchand.

Ç’a été bien à toi de refuser.

Deuxième captif.

Si ce sont les disgrâces qui vous touchent, nous en aurions tous à vous conter, et ceux que vous laisseriez ici ne le céderaient guère à ceux que vous emmèneriez.

Le marchand.

Patience, mes amis ! patience ! il ne faut pas désespérer. Aujourd’hui est venue la Trinité, demain ce sera le tour de la Merci[1] ; et si nous ne pouvons vous racheter, c’est elle qui mettra fin à votre malheur.

La femme.

Si la Trinité nous abandonne, comment pourrions-nous compter sur la Merci ?

L’enfant.

Dites-moi, seigneur, si, comme me l’enseigne ma mère, Dieu le fils, la seconde personne de la Trinité, en se faisant homme a racheté le monde, pourquoi donc ne vient-il pas aussi nous racheter, nous qui sommes ici esclaves ?

Le marchand.

C’est que dans cette circonstance, ce mot trinité désigne tout simplement un ordre religieux, et le rédempteur qui arrive est un homme et non pas un dieu. C’est un père trinitaire, et vous autres l’appelez rédempteur parce qu’il s’occupe du rachat des esclaves.

L’enfant.

Cela doit être comme vous dites ; car s’il était Dieu, il nous rachèterait tous.

Le marchand.

Bien, mon enfant ! Pour cette belle réponse, je vous mets sur ma liste.

L’enfant.

Je n’y tiendrai pas beaucoup de place, étant si petit.

Le marchand.

Mais je ne puis emmener deux personnes de la même famille. Il faudra que votre mère reste ici.

L’enfant.

S’il en est ainsi, oh ! alors pardonnez, mais laissez-moi ici à sa place. Je vous promets à tous deux de ne jamais oublier Dieu ni que je suis chrétien.

  1. Les Pères de la Trinité et les Pères de la Merci s’occupaient concurremment du rachat des captifs.