Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/57

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trouver à redire ces poëtes qui, avec une stance méditée au printemps, écrite en été, corrigée en automne et copiée en hiver, voudraient obscurcir les immenses travaux des autres, travaux qu’ils déprécient au moment même où ils les imitent ? Ils disent que beaucoup est nécessairement mauvais, tandis que peu est infailliblement parfait, comme l’assurait ce poëte qui en trois jours avait composé trois vers. Mais ils se trompent ; et les doctes leur apprendront que la même Providence qui a fait les terres fertiles a fait aussi les terres stériles, et que le palmier, qui en Afrique porte des dattes, ne porte en Espagne que des feuilles[1] ! » Voilà bien indiquée la cause de la réaction qu’a subie la gloire de Lope. C’est la ligue des médiocrités impuissantes contre le génie dont l’inépuisable fécondité les humiliait ; c’est la ligue des palmiers stériles contre le palmier gigantesque qui étendait au loin ses rameaux chargés de fruits abondants.

Avant peu, nous l’espérons, le noble palmier abattu sera relevé. Pour aujourd’hui nous avons voulu seulement protester contre d’injustes préjugés, et nous serions satisfaits si, par cette insuffisante apologie, nous avions pu déterminer les amis de l’art à étudier sérieusement le poëte que Cervantes, l’auteur de Don Quichotte, appelait LE ROI DU THÉATRE ESPAGNOL, LE PRODIGE DE LA NATURE, LE GRAND LOPE DE VEGA.

  1. Voyez la préface du Peregrino.