Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/278

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plus grand nombre des habitants des campagnes s’accordent à dire, qu’ils aiment mieux faire travailler leurs enfants, que de les livrer à des instituteurs sans éducation et sans moralité.

Gard ; arr. d’Alais. — Observations générales. — Partout, en effet, où se trouve un instituteur éclairé et plein de zèle ; partout où nous avons rencontré un maître instruit des bonnes méthodes et capable, par une étude spéciale ou par une aptitude naturelle, de transmettre ce qu’il a appris, ce qu’il sait, nous avons trouvé des élèves nombreux ; nos examens ont été agréables, satisfaisants ; les parents sont très-exacts, du moins autant que peut le permettre leur position ; les parents, dis-je, sont exacts à envoyer leurs enfants à l’école.

Indre-et-Loire. — On entend répéter tous les jours, et surtout aux classes aisées, dans les villes, que la loi rencontrera long-temps un obstacle invincible dans l’apathie du peuple des campagnes, dans son peu de goût pour l’instruction. « Les paysans, dit-on communément, ne sont pas assez éclairés pour sentir le prix des lumières. L’instruction des écoles ne leur promet pas des avantages assez immédiats ni assez positifs pour les déterminer à secouer leur apathie. » Les instituteurs, en général, ne manquent pas de répéter, avec complaisance, ces maximes, pour expliquer le peu de succès qu’ils obtiennent dans leur enseignement, le petit nombre d’enfants qui fréquentent leurs écoles, le peu d’exactitude avec laquelle ils ouvrent ou ferment leurs classes, l’irrégularité des heures d’étude, etc. À cela, je peux répondre que, dans toutes les communes, où j’ai rencontré un instituteur honnête, instruit, zélé, j’ai trouvé une école bien peuplée ; partout où j’ai vu des bancs déserts, l’ignorance ou la négligence, ou la mauvaise conduite du maître m’expliquaient suffisamment son peu de succès, sans que je dusse en accuser les familles. — Truyes (cant. de Mont-Bazon) n’a qu’une population de 659 habitants, son école compte 42 élèves. À une lieue de là, vous trouvez Esvres, commune riche, forte de 1739 habitants, et 20 enfants à grand’peine dans l’école.

Toute théorie se présente, aux habitants de la Touraine, comme un piége tendu à leur simplicité, ils ne croient qu’à la grossière pratique, et c’est à cela qu’ils doivent de se tromper moins souvent. Ce n’est pas apathie, c’est bon sens. Il en est de même, pour un grand nombre d’entre eux, de l’instruction primaire. Le plus riche fermier du village envoie depuis trois ans ses enfants à l’école, ils savent à peine lire ; ils écrivent en gros ; ils parlent un langage aussi rustique que leur compagnon d’âge qui a passé ces trois ans à bêcher, à préparer les fumiers et les terreaux. À quoi sert l’instruction ? dit en secret chaque famille, et l’école est déserte. C’est bien pis, si le maître est gueux par sa faute, s’il se livre à la débauche, s’il tient des propos grossiers. C’est bien alors surtout qu’on se demande à quoi sert l’instruction, et que chacun se garde bien d’envoyer ce qu’il a de plus cher, ses enfants, à pareille école. Mais, si, par les soins du maître, un enfant, au bout de