Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/42

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mais celui qui demeure dans quelque métairie éloignée perd dans le trajet un temps précieux. Le soir, pour qu’il ne soit pas surpris par la nuit ou par les bêtes sauvages, il faut encore abréger pour lui le temps de la classe (87). Quand ces pauvres petits arrivent, les mains rougies et couvertes d’engelures, il faut bien leur laisser rasseoir un moment leurs membres transis de froid (88).

Puis le sordide intérêt s’en mêle (89). Le même principe qui fait que les parents les retirent de l’école, dès les premiers beaux jours, pour économiser, comme ils disent, des domestiques (90), les rend féconds et ingénieux pour imaginer toute sorte d’économies pareilles. Ici, tel père de famille envoie ses enfants alternativement à l’école, pour ne payer qu’un écolage (91) ; là, on déduit du prix convenu les jours d’absence, qu’on a soin de multiplier, parce que c’est toujours autant de gagné (92). Ne soyons donc pas étonnés si l’on rencontre des jeunes gens qui fréquentent depuis quinze ans l’école, et qui ne savent qu’imparfaitement encore les notions premières (93). Ces quinze ans, si l’on en déduit tout le temps que nous avons supputé tout à l’heure, n’iront pas au-delà de trente mois dans les chances les plus favorables, et l’on devrait s’émerveiller, au contraire, si une pareille négligence portait de plus heureux fruits.

Encore n’avons-nous parlé ici que d’une cause, on peut dire, universelle dans toutes les campagnes, sans nous occuper des obstacles particuliers que l’instruction rencontre dans un grand nombre de localités (94). En effet, si l’on en excepte deux cantons (95), qui offrent, pour des raisons toutes spéciales, cette singularité que leurs écoles sont plus fréquentées en été qu’en hiver, on peut dire que du reste, toutes les communes rurales voient déserter leur école pendant plus de sept ou huit mois de l’année. Les instituteurs eux-mêmes, qui n’enseignent souvent en hiver que faute de pouvoir tra-