Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/53

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si l’on n’y met promptement obstacle, qui peut dire combien de malheureux elle dévorera chaque année ? Et ce ne sont pas ici des Ghiolofs ni des Mandingos, c’est la chair de notre chair, ce sont des peaux blanches comme nous, que nous laissons livrer corps et âme, dès l’âge de cinq ou six ans, à un trafic plus odieux que la traite des nègres. Ceux-là, du moins, les maîtres dont ils sont devenus la chose, ont intérêt à ménager leurs forces pour qu’elles durent plus long-temps. L’intérêt du fabricant est directement contraire, c’est de tirer de ses quatre sous le plus grand profit possible. Que lui importe la santé, la vie même de l’enfant qui s’étiole et s’épuise à sa mécanique ? Il a une longue suite d’aspirants qui n’attendent qu’un vide pour le remplir : l’enfant est mort, vive l’enfant ! Dans les colonies, grâce à la rivalité des sectes religieuses de l’Angleterre et des États-Unis, l’esclave noir n’a pu que gagner pour son éducation à quitter la terre de barbarie où il était né. Les écoles du dimanche en réunissent un grand nombre, ne fût-ce que pour leur apprendre à prier le Dieu qui console de l’esclavage. Chez nous, des enfants à qui la loi a voulu conférer le bienfait d’une instruction nécessaire, sont disputés à l’école par l’appât de quelques centimes ; ils sont enlevés de la terre de civilisation pour être transplantés en terre de barbarie ; et, quand l’instituteur les réclame, il n’obtient que des refus. Quand le prêtre vient frapper à la porte de la fabrique pour apporter la parole sainte aux enfants de sa paroisse, on n’a pas une heure d’audience à donner à Dieu (144). Que manque-t-il donc à ces blancs pour être aussi des nègres ? L’amalgame peut-être. Hélas ! Pour qui a pénétré dans ces retraites, pour qui a pu observer la facilité du commerce des ouvriers entre eux, l’empire et l’influence des contre-maîtres, l’exemple des habitudes vicieuses sur des enfants abandonnés tout le jour de leurs père et