Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait cette chambre de malade d’un inquiet va-et-vient de fauve en cage ; certes, oui, déjà touché par la vie, car les cheveux châtains et drus s’éclaircissaient déjà vers les tempes, striés par places de minces fils d’argent, et sous la moustache d’un blond roux, embroussaillée et triomphante, la bouche aux coins tirés trahissait, elle aussi, l’amertume d’exister. Visiblement obsédé, il arpentait à grands pas rageurs cette haute et claire chambre aux aspects de boudoir avec ses panneaux de moires blêmissantes, encadrées de délicates boiseries que coupaient çà et là, savamment alternées, d’étroites glaces oblongues enguirlandées de fleurs et de fins attributs de style Pompadour ; et c’est cette visible obsession, ce réel chagrin trahi par la crispation du sourire et l’inquiétude de ces allées et venues, que surveillait avec des yeux de fièvre, deux yeux agrandis où semblait s’être réfugiée toute la vie de son corps souffrant, la malade étendue auprès de la fenêtre, au fond d’un grand fauteuil encombré de coussins et de peaux d’ours blancs.

Du dehors, dans les glaces sans tain des croisées, le jardin du petit hôtel s’encadrait, tout jaune de la rouille des marronniers et de la