Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/28

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laisons de laine et d’épices flottent dans l’air nocturne, senteurs d’Algérie à nulle autre pareilles, empestant la charogne et fleurant le poivre et le jasmin ensemble, comme de la pourriture d’encens.


Ici une lacune, des feuillets égarés ou détruits ; le journal de Serge ne reprenait qu’à la date du 29 mai, mais pour se suivre ; le pauvre garçon avait dû traverser alors quelqu’horrible crise.


29 Mai. — Décidément, l’été s’annonce mal et ce mois de juin va être plus dur à passer que je ne le craignais. Voilà que la température s’en mêle et, par cette chaleur flambante, j’ai beau m’isoler derrière les persiennes closes, dans le clair-obscur des vastes pièces fraîches, c’est le décor poudreux et ensoleillé des bords de la Seine, ou je la rencontrai il y a deux ans, qui s’impose despotiquement à ma mémoire.

Oh ! ce paysage torride et souffreteux de banlieue, avec ses arbres grêles et ses cheminées d’usine verticales sur l’horizon, était-il cette année assez en harmonie avec mon atonie et veule détresse d’âme ! et si je l’ai aimée si sou-