Page:Lorrain - Sensations et Souvenirs, 1895.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de barrières depuis longtemps closes ; nous filions sous la lune qui venait enfin d’écorner une bande de nuages et semblait répandre sur cet équivoque paysage de banlieue une nappe grésillante de mercure et de sel ; à ce moment il me sembla que les roues du fiacre, cessant d’être fantômes, criaient dans les pierrailles et les cailloux du chemin.

«  C’est là, murmurait la voix de mon compagnon, nous sommes arrivés, nous pouvons descendre  », et comme je balbutiais un timide : «  Où sommes-nous ? —Barrière d’Italie, hors des fortifications, nous avons pris la route la plus longue, mais la plus sûre, nous reviendrons par une autre demain.  » Les chevaux s’arrêtaient et de Jakels me lâchait pour ouvrir la portière et me tendre la main.

III

Une grande salle très haute aux murs crépis à la chaux, des volets intérieurs hermétiquement clos aux fenêtres ; dans toute la longueur de la salle des tables avec des gobelets de fer blanc retenus par des chaînes et, dans le fond, surélevé de trois marches, le comptoir en zinc encombré de liqueur et de bouteilles à étiquettes coloriées des légendaires marchands de vin ; là-dessus le gaz sifflant haut et clair : la salle ordinaire, en somme, s