Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/127

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on vienne m’outrager. Je suis étonné qu’on ne l’ait pas fait avant de me la donner. » — « Assurément, seigneur, ce n’est point par la volonté de celui qui possède cette cour, ni d’aucun de son conseil qu’on t’a fait cet affront. Et, si tu te trouves outragé, Bendigeit Vran est encore plus sensible que toi à cet affront et à ce mauvais tour. » — « Je le crois, mais il ne peut pas faire que je n’aie reçu cet outrage. » Ils s’en retournèrent, là-dessus, auprès de Bendigeit Vran, et lui rapportèrent la réponse de Matholwch. « Il n’y a pas moyen, » dit-il, « de l’empêcher de partir avec des dispositions hostiles, quand même je ne le permettrais pas. » — « Eh bien, seigneur, envoie encore des messagers après lui. » — « C’est ce que je vais faire. Levez-vous, Manawyddan fils de Llyr, Eveidd Hir, Unic Glew Ysgwydd[1], allez après lui, et dites-lui qu’il aura un cheval en bon état pour chacun de ceux qu’on lui a gâtés. Je lui donnerai en outre, en wynebwarth[2] (en compen-

  1. Unic, « seul, unique ; » glew, « vaillant ; » ysgwydd, « épaule »
  2. 'Wyneb-werth, mot à mot prix du visage. Visage et honneur sont synonymes chez les Celtes (voy. Kulhwch et Olwen). La compensation s’appelait, en Irlande, log enech, « prix du visage ; » l’enech ruice ou outrage était proprement la rougeur du visage causée par un acte attentatoire à l’honneur de la famille ; enechgris, qui a un sens analogue, indique que le visage devient pâle ou blanc par suite d’une injure. La forme bretonne armoricaine de wynep-werth est, au ixe siècle, enep-uuert [h] (Cart. de Redon) ; mais ce mot avait chez nous un sens moins général : c’était le don offert par le mari à sa femme après la consommation du mariage, la compensation pour la virginité. Le mot actuel enebarz, « douaire », est le représentant moderne d’enep-werth. Comme l’a fait remarquer lady Guest, le Mabinogi est ici à peu près d’accord avec les lois ; la compensation pour un outrage fait au roi d’Aberffraw ou du Nord-Galles consistait en : cent vaches par cantrev, avec un taureau blanc aux oreilles rouges par cent vaches ; une verge d’or aussi longue que lui et aussi épaisse que son petit doigt ; un plat d’or aussi long que son visage et aussi épais que l’ongle d’un laboureur qui laboure depuis sept ans (Ancient Laws, I, p. 7). On a ici wyneb-warth ; il semble qu’il y ait là une tentative d’étymologie populaire : gwarth, en effet, en gallois, signifie honte, déshonneur.