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Je l’attends toujours, — mais, hélas ! comme attendait sœur Anne…

Je ferme mes rideaux, j’allume ma lampe et mon feu : le décor change et mes idées aussi. Je continue ma lettre devant une flamme joyeuse, enveloppé dans un manteau de fourrure, les pieds sur un épais tapis de Turquie. Un instant je me prends pour un derviche, et cela m’amuse.

Je ne sais trop que vous raconter de ma vie, Plumkett, pour vous distraire ; il y a abondance de sujets ; seulement, c’est l’embarras du choix. Et puis ce qui est passé est passé, n’est-ce pas ? et ne vous intéresse plus.

Plusieurs maîtresses, desquelles je n’ai aimé aucune, beaucoup de péripéties, beaucoup d’excursions, à pied et à cheval, par monts et par vaux ; partout des visages inconnus, indifférents ou antipathiques ; beaucoup de dettes, des juifs à mes trousses ; des habits brodés d’or jusqu’à la plante des pieds ; la mort dans l’âme et le cœur vide.

Ce soir, 15 novembre, à dix heures, voici quelle est la situation :

C’est l’hiver ; une pluie froide et un grand vent battent les vitres de ma triste case ; on n’entend