Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/149

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tion veut qu’aient habité George Sand et Alfred de Musset. Il y fait presque noir, à mon entrée, je vois à peine briller l’excès de ses dorures ; j’ai hâte d’en ouvrir les fenêtres, sachant d’avance les choses uniques au monde sur quoi elles ont vue, — et en effet voici tout à coup devant mes yeux la beauté de cette ville, au soleil du soir. Ce palais Danieli dresse sa façade très vénitienne sur un quai grandiose, près du palais des Doges, au bord d’une large étendue de lagune que peuplent des voiliers aux voiles rouges et des gondoles noires aux poupes en cou de cygne ; un peu partout, des palais, des dômes, et, juste en face, l’îlot de Saint-Georges Majeur, avec son église et son campanile couleur de sanguine.

Dans mon salon lourdement luxueux, les murs sont tendus de brocart jaune, et le moindre meuble est doré jusqu’aux pieds ; mais tout cela est ancien et historique, et puis tout cela est à Venise, et, pour rappeler le prodigieux passé de cette ville de magnificence, qui fut reine de l’Adriatique et reine des mers orientales, ces somptuosités surannées y sont à leur place ; de plus, elles se rat-