Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/162

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méconnaissable ; il porte de lourdes clefs que cà et là il fait tourner dans des serrures ; des grilles s’ouvrent, que je franchis à sa suite pour pénétrer dans des bas côtés, des dépendances où règne la nuit noire. En tenant d’une main une de ces toutes petites bougies qu’on appelle « rat de cave », il soulève çà et là quelques-uns des pesants matelas gris, pour me montrer des bas-reliefs, des mosaïques, des orfèvreries, et jamais ne m’avaient tant frappé la fabuleuse richesse et la beauté archaïque de tout cela. Il y a des recoins plus sombres, ou vraiment l’on étouffe et où l’on a presque l’illusion d’aller à la découverte dans les détours de quelque caverne d’Ali-Baba pleine de merveilles cachées… Mais non, toutes ces choses, hier encore, loin d’être clandestines, restaient accessibles aux plus humbles, et, ici, il faisait clair ; tout simplement elles étaient le trésor d’un peuple, le trésor d’art de son passé que tant, d’yeux venaient admirer chaque jour et qui semblait destiné à une quasi-éternité ! Or, ces mêmes choses, hélas ! il a fallu, au xxe siècle, les camoufler, à moitié les ensevelir, pour tâcher qu’elles survivent, du moins cette